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Plein les yeux 2010
6 décembre 2010

Nous sommes fiers de vous annoncer un heureux evenement !!!

Etant donne l'ampleur de l'evenement, l'auteur de ce texte sera, pour la premiere (et la derniere) fois different.

Apres 13h d'effort intense nous avons foule le magnifique sommet de l'Aguja Guillaumet, une aiguille voisine de celle du Fitz Roy!!!

Tout avait pourtant mal commence:

Previsions meteo desatreuses, defaillance physique, defaillance materiel, moral dans les chaussettes...

Arrives a El Chalten le 26 novembre avec un ciel sans un nuage et 4 jours d avance afin de maximiser nos chances de reussite, nous patienterons finalement 8 jours avant la gloire!!!

L'ambiance etait pourtant lourde dans le petit village d El Chalten. Trois personnes (un guide, un assistant et un client mexicain), partis pour 10 jours sur le plus grand glacier continental au monde (Hielo Continental Sur) lance un appel radio d'urgence dimanche dernier afin de signaler leur position et de demander de l'aide. Leur tente vient d'exploser sous les coups des rafales et leur equipement s'est envole. Se trouvant dans une region reculee du glacier, ils savent que les secours ne pourront pas les rejoindre avant 2 jours, et si le temps n'est pas trop mauvais. Dans un tel environnement, le risque d'hypothermie est grand et les alpinistes vont devoir faire preuve d'un courage hors du commun. A El Chalten, tout le monde essaie de comprendre ce qui a pu se passer pour que la cordee, pourtant menee par Merlin le guide le plus experimente du massif du Fitz Roy, se retrouve dans une situation si critique ou les heures sont comptees. Immediatement la petite communaute des grimpeurs s'organise pour faire partir la premiere equipe de secours le jour meme. Nous avons l'impression de revoir les images d'un reportage que nous avions vu sur l'affaire Vincendon et Henry, deux alpinistes (un parisien et un belge) en difficulte lors d'une ascension hivernale au mont blanc dans les annees 50. Une situation tres similaire ou les 2 etaient morts a portee de jumelle de tous les habitants de Chamonix apres une semaine d'attente interminable dans le froid, dans la neige, trempes, sans nourritures et sans materiel. A attendre que les secours s'entendent sur l'organisation du sauvetage de ces 2 alpinistes non savoyards.. Cet evement avait suffisament marque les esprits pour faire naitre quelques annees plus tard le PGHM a Chamonix, qui est aujourd'hui reconnu dans le monde entier pour son professionnalisme. La situation des secours en Amerique du Sud est tres differente de celle que nous connaissons aujourd hui en France. Ici aucun secouriste professionnel, des communications tres difficiles (aucune couverture du reseau telephonique, reseau satellite souvent brouille), des vallees accessibles seulement a pieds et peu de materiel. Il y a pourtant un helico a la gendarmerie, mais ici les gens savent qu'il ne faut pas compter sur son intervention. Les seules personnes sur qui compter sont les 5 guides de haute montagne, les assistants, les porteurs et les grimpeurs etrangers. Apres deux nuits seuls, les trois malheureux sont rejoints par la premiere equipe partie a leur recherche, qui leur apporte du materiel, des vetements, de la nourriture. Ils trouveront malheureusement le client mexicain dans un etat d'hypothermie avancee (il decedera quelques jours plus tard dans sa prison de glace). Merlin et son assistant sont faibles mais leurs vies ne sont pas en danger. Une semaine apres l'appel radio, ils ne sont cependant toujours pas de retour. L'helico ayant une fois de plus refuse de decoler samedi alors qu'il n y avait aucun vent, aucun nuage, rien... incomprehensible. Nous esperons que cet evenement tragique fera prendre conscience au gouvernement argentin de l'ampleur de ses responsabilites...

Apres tout cela, la suite de notre propos vous paraitra legere et futile. Nous tenions neanmoins a mentionner cet evenement puisqu'une fois de plus il nous a touche et nous a rappele de tres mauvais souvenirs.

Afin de calmer notre impatience et en attendant le bon creneau meteo, nous agrementons nos journees de petites ballades dans le parc de los Glaciares, de grimpe sur les falaises et les blocs surplombants El Chalten et de siestes. Puis, alors qu'il ne nous restait plus que trois jours dans le massif du Fitz Roy et que nous desesperions de voir le ciel se degager, notre guide, Manuel, nous avertit que le bon jour est peut etre pour apres-demain, entre 2 jours de tres mauvais temps. Les vents annonces sont cependant trop forts pour nous laisser tout espoir d'aller au sommet de l'Aguja Guillaumet mais au moins nous pourrons faire la goulotte (s'il ne neige pas trop d'ici notre arrivee). Nous nous retrouvons donc vendredi 3 decembre et partons avec nos charges (27 kg pour Clement et 22 kg pour Anneso) sous la pluie et le vent en direction du camp de base a 5h de marche. Les deux premieres heures de marche se font sur un chemin relativement facile et a l'abri du vent. En revanche, les heures qui suivent se deroulent sur un terrain assez pentu, instable ou nous sommes des proies faciles pour les rafales venant du Hielo Continental. La tempete s'installe, nous obligeant a trouver un camp de repli rapidement pour ne pas tremper tout notre equipement et surtout pour pouvoir installer la tente un peu a l'abri du vent, au risque de la voir se desintegrer. Nous trouverons donc refuge sous un gros bloc de granit qui n'offre de la place que pour une tente et non pas deux. L'endroit sera vite rebaptise "Campamento Mierda". Nous dormirons donc a trois dans notre petite tente deux places. Apres une bonne soupe, des pates et du mantecol, nous nous mettrons bien au chaud dans nos duvets avec pour objectif de partir le lendemain matin des que les vents seront tombes. Manuel s'est leve toutes les heures a partir de 2 heures du matin pour guetter la fenetre meteo et pour finallement se laisser tomber de sommeil. Ce n'est qu'a 8h30 que nous rouvrirons les yeux sur un ciel tout bleu et sans une once de vent !!! (la grasse matinee de l'alpiniste). Nous mangerons un bon petit dejeuner (et re-Mantecol!) et ce n'est que vers 10 heures que nous prendrons la direction du col Guillaumet. A present le programme de la journee est relativement simple: aller aussi loin que possible en fonction des conditions de neige mais en etant conscients que la partie est un peu jouee d'avance (maudit reveil tardif...). Nous repartons sur le chemin de la veille en passant au bout d'heure par le camp de base ou nous aurions du passer la nuit. A 13h, apres deux heures de marche un peu plus active et quelques passages dans un terrain mixte relativement aise, nous rejoignons le col Guillaumet d'ou se degage une magnifique vue sur la vallee d'El Chalten. La premiere bonne nouvelle est que nous decouvrons des traces fraiches qui vont considerablement nous faciliter la tache dans le metre de neige tombe de la veille. La deuxieme bonne nouvelle, c'est que la rimaye est plutot bien fermee. La troisieme bonne nouvelle, a la sortie des 300m de goulotte nous retrouvons la face ouest, habituellement balleyee par les vents glaces et rugissant du Hielo Continental, et tout est calme. Nous retrouvons une cordee d'americains et une autre d'allemands (chaud patate puisque parti le matin meme d El Chalten et prevoyant d'y rentrer le soir meme...), surpris de nous voir arrives a une heure si tardive. Apres un echange rapide (hola, que tal, como esta el viento arriba? - nothing - really? incredible! - no - amazing!!! ciao), Manuel fait une breve revue des troupes ("toujours chaud patate?""si, si calientes papas!""entonces vamos, vamos, vamos!!!") parce qu'en cas de pepin les courageux secouristes ne sont pas disponibles. De plus, de gros nuages font leurs apparition a l'ouest et avancent rapidement dans notre direction. Parfois il faut tenter sa chance (et comme nous ne l'avions pas fait a 2, 3, 5 et 6h ce matin, ca devait etre maintenant). Nous debutons donc les longueurs d escalade rocheuse avec les chaussures d'alpinisme aux pieds rendant notre progression malaisee. Apres deux longueurs difficiles pour Anneso, qui nous fera son habituel craquage au mauvais moment, nous troquons les "grosses" pour les bons vieux chaussons afin de nous sentir a l'aise dans le magnifique diedre un peu aerien de la derniere longueur. Enfin nous changerons une derniere fois nos soulliers pour rechausser nos crampons afin de gravir la derniere partie en neige jusqu au sommet de l'Aguja Guillaumet. Il est 18h et apres 8h d'effort nous sommes ravis et remplis d'emotions en admirant le panorama. Nous pouvons presque toucher le Fitz Roy, enfin decouvrir le Cerro Torre et nous laisser nous imaginer partir a ski sur le Hielo Continental. A notre grand regret, nous ne pouvons cependant pas nous apesantir trop longtemps sur la premiere partie de la journee, il nous reste 8 rappels a tirer avant de sortir des difficultes et en depit de notre exitation c'est maintenant ou il faut etre concentre pour ne pas commettre d'erreurs.

La descente sera rapide, une fois revenue sur la terre ferme, nous avons presque couru jusqu'a notre bivouac. A 22h15 les dernieres lueurs du jours nous permettent de plier la tente et les affaires, et de continuer notre route jusqu'au campement de la Piedra Fraile ou nous savons que nous serons a l'abri du vent (grand luxe!). Arrives en bas a 23h30, nous sommes contents de voir la journee se terminer. Nous posons la tente, dinons et au dodo! Au final la nuit ne sera pas si bonne, les rafales ont fait un bruit incessant, et nous nous reveillerons sous la pluie et le vent. La Patagonie nous confirme qu'elle nous a fait une grosse faveur la veille. Il ne nous reste plus que deux heures d'une marche "regeneratrice" comme l'appelle Manuel, mais les cuisses metteront surement beaucoup plus de temps que deux heures pour se regenerer. Nous rentrons a El Chalten comme une expedition rentre a la maison. Et la version argentine de la fondue - tartiflette sera pour nous un bife de chorizo bien jugoso et une pizza roquefort suivi d'une delicieuse glace.

Ce soir, plus que jamais, nous ne voulons partir. Comme a chaque fois, mais celle-la plus que toute autre, nous avons l'impression d'avoir vecu le meilleur moment de notre voyage. Nous sommes remplis de ce contentement de l'andiniste qui a accompli son reve et vu son paradis.

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